Particulièrement réfléchi, Theoderich est passé maître dans l’art des manigances et à horreur des imprévus. Son goût pour les femmes et l’argent lui ont attirés nombres de problèmes déjà. En général l’affaire se conclut avec un duel. Jusqu’à maintenant, il gagnait. Autre chose, l’homme n’est pas très pieux. En revanche, la magie étant une chose qui lui échappe complètement, il est devenu légèrement superstitieux. Jamais il ne s’habituera complètement aux enchantements de Camelot. Il est très méfiant. Très imaginatif en matière de torture (quand la motivation y est), il supporte la douleur assez mal, il faut le dire mais sa fierté écrase le reste. On le connaît pour être dur, on le connaît pour ses nombreux vices mais on le connaît surtout pour son amour de la fibre artistique. Lui-même n’est ni musicien, ni troubadour. Mais il s’accompagne d’une troupe de forains et de jongleurs et organise dans son château les fêtes les plus resplendissantes. Son jardin est des plus magnifiques. Bref, il vit en Seigneur, dans la luxure et dans la beauté. Un élément qui lui manque et qu’il cache derrière une épaisse barbe noire.

Theoderich est d’un caractère épouvantable. Derrière son accent doux, il a tendance à se laisser aller à de grandes colères, ne serait-ce que pour un détail. La moindre contrariété a sur lui des effets extraordinaires. Impulsif et rancunier, il n’oublie pas d’être hypocrite auprès de ses supérieurs. Un fabulateur capable de faire avaler n’importe quoi à son auditoire. Il a une vision très personnelle de la hiérarchie et n’hésite pas à faire des scandales si on ne lui rend pas l’honneur qu’il mérite. Sa brutalité et sa dévorante folie suive sa réputation. La virilité des slaves sans doute. Les instants de solitudes dont il a besoin pour respirer sont inclus dans son emploi du temps. Autrement, il garde toujours quelques favori(te)s auprès de lui. Il tourne autour du monarque en espérant être le mieux vu.

Theoderich a vécu la première partie de sa vie en Bulgarie et ne s’est jamais débarrassé de son accent slave depuis. On ne sait pas vraiment comment s’est déroulée son adolescence, de même que l’enfance qui l’a précédé. Il a reçu une formation cavalière grâce à l’aisance rare de sa famille et a longtemps fait parti de l’armée. En sa possession, encore aujourd’hui, il y a ce morceau de terre et le château rustique de sa famille. Mais il s’y rend très peu et en laisse la régence à quelques amis.

La carrière du Baron de Grimwald, on pourrait même dire sa vie, commence à l’âge de seize ans. Il n’était pas à l’époque un chevalier confirmé mais un simple paladin mobilisé dans un combat dont l’enjeu lui a toujours échappé. Le seigneur du comté voisin avait quelque chose à reprocher à son père et s’entre déchirer à coup de lance était la seule solution valable pour régler le conflit. Voilà en quelque mot ce qu’il avait saisit. Qu’à cela ne tienne, il s’est farouchement battu contre ceux qui ne portaient pas le même blason que lui. Garçon issu d’une Terre fertile, il régnait sur quelques quarantaines d’hectares paysans. Cette propriété le gonflait certes de fierté mais pour atteindre l’aristocratie, il lui fallait aussi être chevalier. Le sang noble coulait dans ses veines depuis sa naissance, mais il estimait pleinement mériter ce titre suite à ses exploits aux combats. Du même coup, il pourrait gagner des terres supplémentaires et redonner un coup de chiffon sur l’honneur de la famille. Avec quelques compagnons, il traversa le pays et se présenta au Roi. Celui-ci entendit compter ses aventures et accéda à sa requête sans opposition. Il lui offrit traditionnellement une terre. Pas n’importe où. Une terre située en Grande Bretagne dont le saint père d’Uther Pendragon lui avait cadeau.

L’affaire devint compliquée. Theoderich était dans l’obligation de s’occuper de ce sol si lointain mais qui lui appartenait désormais. Fou de rage, il prit ce cadeau empoisonné et si loin de chez lui comme un affront. Mais on ne reproche rien au Roi. Après le décès de sa mère (le cœur s’est arrêté de lui-même à ce qu’il paraît, mais son époux délicat l’avait un peu aidé. On avait retrouvé des traces d’étranglement sur le cou blanc, une affaire de concubinage mal tournée) il quitta la Bulgarie pour se rendre au pays des Pendragon. On disait de drôle de chose sur ce royaume là. Les sorciers étaient assez courants chez lui, mais ils se cachaient. Ici la magie flottait partout. Attaqué par des brigands sur son propre terrain une flèche lui transperça le bras. Miraculeusement, la plaie ne s’infecta pas et il se soigna douloureusement. Ce fut une merveilleuse période. Un médecin (légèrement magicien sur les bords, dira-t-on) s’occupa de sa blessure. Les femmes vinrent à lui facilement. Sa colère retomba vite, il resta.

Il choisit librement de fréquenter la cour. Son rang lui en donnait le droit. Le sacrement d’Uther se fit sous ses yeux, parmi l’assistance. Il s’évertua à attirer sa sympathie et y travaille encore. Lentement, Theoderich Grimm devint Theoderich de Grimwald. « Et on dit Théodérik » corrige-t-il avec son accent. Rares sont les intrigues qui lui échappent. Un homme s’est chargé de lui apprendre l’anglais. Sir de Bénoïc qui lui offrit sa fille en mariage, en guise de bonus.
De toutes les festivités, il n’est pas officiellement chevalier aux yeux de la cour de Bretagne et n’est pas libre de donner des cours aux jeunes novices ou d’aller combattre à sa guise. Seulement quand on l’appelle. C’est une chose qui lui plaît, une sorte de retraite prématurée. La noblesse.